jeudi 6 avril 2017

GRAINES D'ECRIVAINS VI



Un mariage bien marocain…


Un jour, en été, je m’ennuyais à la maison : vacances, rien à faire, pas d’argent pour sortir… Alors, maman me proposa de l’accompagner au mariage de la fille d’une de ses amies, que je ne connaissais pas, pour me distraire un peu. D’habitude, je ne suis pas très branchée sur ce genre d’attroupements, mais, cette fois, j’acceptai pour casser la routine dans laquelle je baignais. Je voulus aller en jeans, mais ma mère refusa. Elle me passa une de ses  tgachtes. Elle était noire avec des fleurs rouges et m’allait bien. Pas question non plus que je parte avec mes baskets Nike. Je dûs mettre une paire de chaussures noires avec de hauts talons. Dés que je la mis, je commençai à regretter d’avoir accepté cette invitation.
20h, C’est l’heure de partir. Arrivées, nous fûmes accueillies par la mère de l’épouse. Maman lui passa le cadeau en l’embrassant. Nous rentrâmes, la salle était pleine de femmes et de filles qui, toutes, nous regardaient d’une manière bizarre. Je voyais leurs pupilles monter et descendre. Elles nous examinaient de la chaussure à la coupe de cheveux en passant par tout le reste. Après ce scan collectif, elles commencèrent à chuchoter.  Maman choisit de s’asseoir à cotés de ses copines de travail.
21h : L’orchestre commença son travail. La piste de danse se remplit peu à peu. Les non-danseuses dansaient avec leurs langues de vipère et se disaient des trucs du genre «  chofi ya khti tagchita diyalha jat biha l3arss dyal fatima f ssif li fat !  tgol ma3ndha matlbass ! » ou «  Saïda danse comme un sac de pommes de terre. A sa place, moi, j’aurais honte ! » Du coup, quand j’entendis ça, je refusai l’invitation d’une voisine de table à danser, je m’excusai gentiment en disant que ma cheville me faisait mal, ce qui n’était pas du tout vrai ! Le spectacle des non-danseuses m’attirait plus que le plaisir de danser De plus, moi qui marche tellement mal avec les hauts talons, je danserais très mal et ces vipères ne parleraient que de moi pendant tout le restant de la soirée !
22 h : Les deux mariés sont là, la femme avec un très beau caftan rouge, son mari avec un complet noir. Les discussions entre les femmes reprirent. La famille de l3rossa disait qu’elle est plus belle que son mari et  que ce dernier, vieux et gros, ne la méritait pas.  La famille « adverse » disait la même chose : «la mariée est une fille légère, grosse avec des yeux qui louchent et elle a épousé notre hajje pour son fric ! »
23h30 : Enfin, le dîner est servi. Les langues de vipères se manifestent une fois de plus et, à chaque table,  les critiques sur le poulet trop cuit ou trop petit, la pastilla faite avec de vulgaires crevettes chinoises ou encore le dessert indigne d’une fête de noces : des cubes de pastèque même pas dénoyautés !
Après le dîner, le ventre plein, nos chers invités purent admirer la mariée et son  défilé de mode : habits soussis, jblis…et même japonais. A ce moment, je me jurai que, si un jour, je me mariais, je le ferai en jeans et jaket de cuir !  Les negafates ne cessaient de crier : « la mariée est  réservée… ».  Je ne sais pas comment elles arrivent à parler normalement les lendemains des fêtes. Un peu plus tard, l’orchestre commença une chanson cheulha et personne ne put résister à ces rythmes endiablés.  Même moi avec mes hauts talons, je courus vers la piste ! J’adore cette musique et tant pis si tout le monde se moque de moi. J’ai le droit de m’amuser un peu, non ? J’ai dansé avec ma mère pendant toute cette partie. Après, place aux gâteaux, tout le monde mangeait avec appétit. Tous les invités semblaient heureux, même moi, j’ai le moral, je ne suis plus triste.
A 3h du matin, j’avais sommeil, je voulais retourner chez moi mais ma mère voulait encore rester à discuter et critiquer. A  4h, sous de grands youyous, on découpa la pièce montée et on distribua les petits carrés à tous les invités. Pas mal. J’en repris.  Les mariés sortent accompagnés de tous les invités et montent dans une voiture  qui les ménerait à l’hôtel. Les noces étaient terminées.
5h du matin, papa arriva pour nous ramener à la maison. Je lui passai des gateaux aux amandes pour l’encourager à bien commencer sa journée de travail.
Le lendemain, je passai toute la journée au lit très  fatiguée, par contre, maman la passa à raconter les détails de ces noces à mon père en critiquant toutes invitées !
                                                                  Ihsane Riyani

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