Photo du lycée Nahda , Meknes

Prise par Mahdaoui Nabil

Photo du lycée MLY Youssef

Prise par Mahaoui Nabil

vendredi 7 avril 2017

CÔTE ETUDES - L'IMAGE DU PERE DANS "LA BOÎTE A MERVEILLES"




                          L'IMAGE DU PERE 
                                     DANS 
   
                 "LA BOÎTE A MERVEILLES"






                               

                                                            
MAÂlem Abdeslam s’enallant travailler aux champs .

 


L'image du père se limitera dans ce modeste travail à celle du père de Si Mohammed. L'étude se fera sous la forme d'un portrait relevant ses principaux traits. Les références concernent l’édition“ Librairie des écoles– Casablanca”. Les élèves ont étudié chacun un chapitre ou 2 ou 3. Un travail de synthèse a pu donner naissance à cet article

- - - Il s'appelle Abdeslam.
 ---- Il a la quarantaine ("frisait la quarantaine", (p 248). Il est d’origine montagnarde (p178).
  ---Il exerce le métier de tisserand (fabriquer du tissu à partir du coton). C'est pour ça qu'on le surnomme "maâlem Abdeslam". Le qualificatif de “maâlem” est aussi un jugement positif donné aux artisans de talent.


LE PORTRAIT PHYSIQUE :
Les détails physiques du personnage  sont assez rares. Ils se trouvent essentiellement dans le chapitre IV. Si Mohammed le décrit p 58, dans le but de montrer que sa mère avait tort quand elle critiquait son mari (" (mon père) n'échappait pas à ses coups de griffe"). On apprend que c’est un homme grand ("de haute taille"). Il a la peau blanche et légèrement dorée, les lèvres rouge corail (un rouge orange comme celui des célèbres petits "animaux marins" utilisés en joaillerie), la barbe noire et les yeux profonds (« creux »). C’est aussi un homme robuste ("sa force"). Ces éléments concordent avec l'origine de ce personnage : dans la page 178, on nous dit qu'il est originaire des montagnes avoisinant la ville de Fèz, c'est donc un "jbli" comme on dit encore de nos jours. Les habitants de cette région sont connus pour avoir la peau blanche. Le fait que c'était un paysan avant de venir vivre dans cette médina explique sa "force".
Sa description dans la page 58 se termine par des éléments se reportant au portrait moral : des yeux profonds et “sereins” et il “parlait peu et priait beaucoup”.
LE PORTRAIT MORAL
Ces traits sont nombreux et variés.
- - - C'est un homme qui n'est pas bavard: "il parlait peu" (p 58) ou "mon père qui ne parlait pas souvent" (p71). De même, pendant la longue séance chez le coiffeur (pp 128 - 138), le maâlem brille par son silence et ne parle qu'une seule fois pour féliciter Si Abderrahman ( p 137 ). Il ne change pas non plus lors de ses discussions avec sa femme. Ses réponses sont très courtes ou rares : page 44,"Ma mère (...) parla des menus événements de la journée. Mon père sirotait son thé et répondait rarement". D'autre part, lors de ses achats, il achète vite, sans marchander, sans doute pour ne pas trop parler. P 128 : "Mon père ne connaissait rien à l'art délicat de vendre et d'acheter. Il ignorait les subtilités du marchandage", ou encore“(mon père) payait sans discuter”. Contrairement au père, l'enfant aimait cela : les spectacles de marchandage de sa mère lui plaisaient. Cependant, nous devons attirer l'attention sur le fait que ce personnage si peu bavard d’habitude, n'hésite pas à parler longuement quand il le faut. L'histoire d’Abdellah qu'il raconte à sa femme et surtout à son fils dont la tête est posée sur ses genoux en est le meilleur exemple. Cette narration dure ... sept pages pendant lesquelles il n’arrête pas de parler, de la page 71 à la page 77!
- - - C'est un homme très pieux et très respectueux de la religion. Ceci se voit tout d'abord dans sa manière de parler : La référence à Dieu et à son prophète est toujours là (entre autres pendant sa discussion avec Driss El Awad dans le dernier chapitre du roman ou, quand il dit à sa femme, page 177 : "Ô femme! Ne crains-tu plus la colère de Dieu?"). D'un autre côté, il perpétue la tradition de l'islam et emmène son fils le jour de l'achoura au sanctuaire Moulay Driss pour y faire la prière. D'autre part, il ne rentre chez lui le soir qu'après la prière de l'Achaa : p 127 "Est ce le muezzin annonçant la prière de l'Achaa que j'entends? (...)  Mon père ne tarda pas à arriver". Mais, le lecteur sera étonné de voir que le maâlem pratique un islam qu'on appelle aujourd'hui éclairé ou tolérant. L'élément qui illustre le plus cela concerne son jugement sur la polygamie (le droit du musulman à avoir plusieurs épouses à la fois). En effet, à son retour des moissons, lors de sa discussion avec  Driss El Aouad le fabricant de charrues, il affirme son refus de cette pratique (pp 247-248). Ainsi, quand il apprend que Moulay Larbi a divorcé de sa très jeune nouvelle épouse, la fille du coiffeur, il exprime de manière claire et directe ce refus : il na pas caché sa joie ("Louange à Dieu »). Il va même jusqu'à qualifier cet acte de folie ("la folie de Moulay Larbi"). Bien qu'analphabète, le père de notre héros explique son jugement par un raisonnement très logique basé sur le souci, pour un homme marié, de vivre harmonieusement en couple puis en famille quand il dit "Il est déjà si difficile de s'entendre avec une seule femme, de vivre en harmonie avec les enfants de sa chair".
Ce côté "moderniste" de la personnalité du maâlem se voit aussi dans l'éducation qu'il donne à son enfant. Ses rapports avec lui sont loin de tout autoritarisme. Ainsi, pendant la fête de l'achoura, il ne lui impose pas les jouets ("Mon père me laissait choisir (un tambour en forme de sablier...et une nouvelle trompette)", p 128). De plus, il est loyal avec lui : l'enfant mérite le repos quand il a bien travaillé et il n'est pas appelé, comme le réclamaient la plupart des parents à cette époque-là, et encore aujourd'hui, à ne jamais s'arrêter de travailler. ("Tu travailles bien, (donc) cette journée de repos sera une juste récompense",p155, chapitre VIII).






- - - Ce côté moderniste se voit aussi dans sa vie de couple et sa manière de traiter sa femme. Abdeslam associe son épouse Lalla Zoubida dans ses décisions : Si Mohammed nous dit page 146 :"Pendant le repas, mes parents établirent un programme pour la journée". Dans la page 177, on est face à la modestie et le respect du mari envers sa femme : Quand Lalla Zoubida lui demande s'il pense qu'elle est une épouse dépensière, il s'excuse presque et répond : "Telle n'est pas ma pensée (...) tous les jours".  D'ailleurs, Si Mohammed nous l'avoue page 182 : "Pour ma mère et pour moi, mon père représentait (...) la paix”. Ici, le nom "paix" veut dire respect mutuel, partage des responsabilités, vie paisible... bonheur.
- - - Le maâlem est un mari et un père responsable. Plusieurs éléments montrent cela.
          • Quand il a été volé et ruiné, il a préféré aller travailler durement loin de sa famille pendant les moissons dans les champs plutôt qu'emprunter de l'argent   (chapitre XII).
• Il a toujours été présent aux côtés de sa famille : "il n'avait jamais quitté la maison"( p182 ).
 • Il se sacrifie pour sa famille : après l'épisode du vol, il demande à sa femme de ne pas gaspiller "son sucre". Mais, le plus surprenant et important est que, lui, grand amateur de thé,  se prive de thé ce jour-là et laisse sa femme et son fils en boire (p 177).
• Après l'épisode du vol dans le souk, en colère et ne supportant plus les paroles et critiques de sa femme, il préfère sortir plutôt que rester et se disputer avec elle. (p 170, "je m'en vais, je sens que si je reste je manquerai de patience"). C'est donc un mari qui fait tout pour que son fils vive dans un environnement  calme et serein.
• Connaissant la pauvreté extrême dans laquelle il avait laissé sa famille, dés qu'il l'a pu, il leur a envoyé une douzaine d'œufs, du beurre, de l'huile et trois pièces d'argent. Ce "colis" était le bienvenu: page 217, le narrateur le qualifie de "trésor". D'ailleurs, le messager assure à la mère que le père "travaille beaucoup et met tout son argent de côté".
             • Un événement témoigne à la fois des côtés responsable et discret de ce père. Quand Lalla Zoubida lui demande d'acheter une lampe à pétrole comme celle qu'avait Fatma Bziouya (p 42), il ne dit rien : page 44 "Ces propos laissaient mon père dans une indifférence totale”. Le lecteur le prendrait alors pour quelqu'un d'irresponsable. Mais, dés le lendemain, dans le paragraphe suivant, on apprend que Si Mohammed a trouvé, " accrochée au mur de notre chambre, bien au centre, une lampe à pétrole identique à celle de notre voisine".
- - - Il est très affectueux et attentionné avec Si Mohammed. Ainsi, quand ce dernier est malade, le père arrive plus tôt à la maison pour le voir et lui touche tendrement le front, sans le réveiller, pour voir s'il va mieux (p 175, dans le dernier paragraphe). Il en arrive même jusqu'à plaisanter avec lui : l'épisode des poils blancs sur sa barbe de la page 42. Il n'est pas nécessaire de préciser que ce maâlem adore son fils. A la page 43, sa "face devient rayonnante" quand ce dernier "se précipita pour l'accueillir". Tout de suite après, il le soulève et dit : "Il devient lourd cet infidèle! C'est bientôt un homme !!". Les deux points d'exclamation soulignent la joie et la fierté du père. D'autres justifications vont dans ce sens. Page 164, dans le souk des bijoutiers, au milieu d'une foule "agressive", le père n'hésite pas à porter son enfant fatigué et, surtout, à le serrer tout contre lui pour le protéger. Page 169, lors du cauchemar du fils, cauchemar en relation avec le vol du marché de bijoux, il plaisante  avec lui : épisode des cheveux gris sur la barbe page 42, chap II. Même loin de lui, pendant les moissons, il se soucie de sa santé. Son émissaire nous l'apprend, page 217 : "Sa santé (celle de Si Mohammed) l'inquiétait beaucoup". Ceci est renforcé par l'amour que lui porte son fils à travers sa manière de parler de lui, une manière toujours très valorisante.
- - - Le tisserand est aussi un homme qui sait se défendre et se faire  respecter quand on essaie de le rouler ou d'abuser de sa droiture. Le deuxième paragraphe de la page 165 illustre cela de manière claire. On y "voit" le maâlem et le dellal qui a essayé de le voler se tenant par le collet. Mais, on remarque surtout ce dellal avec une tâche de sang sur la joue! D'un autre côté, à son retour du marché, page 167, il ne cache rien quand il dit :"J'ai dû vous abandonner seuls pour corriger ce mécréant qui essayait de nous jouer quelque tour. Les choses sont donc claires: le maâlem, d'habitude calme et retenu, a frappé violemment ce voleur… qui le méritait!
- - - Notre personnage est un homme très fier. Ses origines paysannes et montagnardes expliqueraient cela. Lors de la crise causée par le vol dans le marché de bijoux, il préfère aller travailler péniblement dans les moissons et laisser sa famille seule plutôt que se rabaisser et acheter du coton à crédit aux marchands. Il le dit en des termes forts dans la page 178 : "Jamais je ne m'abaisserai jusqu'à mendier du coton à ces voleurs". Sa fierté lui interdit aussi de passer de patron à un simple "ouvrier" chez un autre maâlem.
- - - L'élève ayant travaillé sur le chapitre XII, a trouvé M. Abdeslam misogyne (un homme qui méprise les femmes). Sa justification a été jugée recevable par l'équipe de rédaction. En effet, à la fin du roman, à son retour des moissons, notre personnage traite sa femme avec hauteur, voire avec mépris, quand, l'ennemi juré de Zineb, parle à son père devant sa mère. Ce passage extrait de la page 247 explicite cela: "Installé sur les genoux de mon père, je lui racontais les événements qui avaient meublé notre vie pendant son absence. (...) A chaque instant, ma mère essayait de rectifier; mon père la priait de nous laisser en paix.". Il est clair que Si Mohammed, fidèle à son imagination débordante que nous connaissons déjà, dénaturait les événements et que sa mère voulait à chaque fois juste rétablir les faits et corriger les prétentions de son fils. Le père qui l’empêchait de parler et adoptait une attitude irrespectueuse envers son épouse, contrairement à son habitude, le faisait-il pour la rabaisser comme le pense notre journaliste ou juste pour laissser son gosse, qu’il connait si bien, exprimer ses fantaisies et jouer le rôle de « responsable de la famille en lieu et place de son père ! ». Vous lecteur, direz quel avis vous partagez.




            
     WadieBihkak,  HananeBouguedra,
Fatima Zohra El Mestari ,JihaneNkhila.



Dessin de Ferdaous Drissi El Bouzaïdi.