Le personnage
principal du roman autobiographique « La boîte à merveilles » a
beaucoup touché les élèves de première, un peu moins qu’Antigone, mais beaucoup
quand même. Sa solitude et son imagination ont suscité diverses réactions : pitié, tristesse, sympathie,
solidarité… Trois élèves parmi ceux qui
ont le plus aimé ce roman ont voulu, chacune à sa manière, écrire une lettre à
ce personnage attachant. Toutes des filles ! L’une met en valeur dans sa
lettre sa ressemblance avec Si Mohammed. Les deux autres, montrent sans
prétention qu’elles sont le contraire de celui qu’elles ont pris l’habitude
d’appeler « Si Mohammed le solitaire ». A vous d’apprécier ces
regards croisés sur Ahmed Séfrioui enfant.
Dessins
réalisés par : Ferdaous Drissi Bouzaïdi
Cher Si Mohamed,
Tu as
été notre ami pendant deux mois et demi. On te voyait deux ou trois fois par
semaine en essayant de comprendre ce que tu nous avais écrit dans ton roman. J'ai
beaucoup aimé ton histoire et la façon avec laquelle tu la racontais. Je
souriais parfois quand quelque chose de drôle t'arrivait. Mais, dans la
majorité des passages, j'ai ressenti de la pitié envers toi et de la peine quand je te
voyais seul.
Ta solitude et ta
timidité étaient très spéciales car moi, j’étais tout à fait ton contraire à
cet âge : j'étais provocante, sociable et j'avais beaucoup d'amis partout .
J'ai un petit souvenir que
j’aimerais partager avec toi. J'avais six ou sept ans. Mon père, son copain et
moi voyageâmes à Ifrane. Mon père dépassa la vitesse autorisée qui était de
60km/h un peu après El Hajeb. Malheureusement, il y avait un radar caché sous
un arbre à cet endroit. Un policier nous
stoppa quelques virages plus loin. Pendant que mon père tremblant essayait de
le convaincre que la faute n’était pas très grave. Moi, qui étais allongée
seule sur le banc-arrière, je sautai en disant: " Euh chef ! Nous sommes
en vacances… J’ai entendu dire qu’il y avait un grand lion à Ifrane. Laisse-nous
passer! Fais le pour mon innocent visage de « malake ». Il répondit
après quelques secondes de surprise: "Oh! C'est la petite qui parle? ...
D’accord madame!!! A vos ordres ! J n’ai plus rien à dire. Je m’excuse. Veuillez, monsieur,
emmener madame chez notre lion. Bonne route. ». Puis, il dit en éclatant de rire et en me fixant des yeux : «
Embrasse le lion de ma part ! Si tu étais à ma
place, et tel que je t'ai connu, je suis sûre que tu aurais pleuré, que tu te
serais caché ou que tu serais parti chercher de l’aide chez tes boutons, cadenas
cassé, clou ou autre ami de ta fameuse boîte à merveilles !
Ce souvenir ne t'a
pas convaincu que je suis différente de toi ? Tu trouves que je suis une
grande prétentieuse ? Hein ? Ok. Alors, écoute cet autre souvenir. J’étais en CE2 ou CE3 dans une école
privée qui se trouvait près de chez nous. Un jour, en classe, la séance était
très ennuyeuse : nous étions seuls pendant que notre instituteur de
français faisait sa prière. Comme
toujours, je ne pouvais pas rester assise sans bouger comme le reste des élèves
et faire mon exercice. Je me suis donc levée pour cacher les chaussures de mon
cher maître. Quand il termina sa prière, il les chercha. Le visage déjà tout
rouge de colère, il voulut savoir qui les avait prises mais tout le monde se tut.
Puis, souriant, il demanda a Esmahan, son élève préférée (normal, c’était la
fille de la directrice de l’école) de lui dire où elles étaient. Elle se tut car elle avait peur. Enfin, il
les découvrit dans le casier d’une table vide au fond de la classe. En marchant pieds nus, il
ressemblait à un gros Pingouin. Seule, je riais dans mon coin mais toute la
classe éclata de rire quand il marcha sur une épingle jetée par hasard là… par
moi. Il criait, insultait les élèves et sautillait ! Je t’avoue, cher ami,
que je me suis souvenu de cet événement quand on a étudié en classe le très
beau texte contenant l’histoire de
l’oncle Othman racontée par Lalla
Rahma, au chapitre V. Mon cher instituteur
ressemblait à ton cher oncle chez Salem
le négre, le
boucher, quand le chien s’empara de la babouche et
s’enfuit suivi par Othman « sautant clopin clopant ». Merci,
de m’avoir appris cette expression amusante. Je suis sûre d’avoir été l’élève
qui l’a la mieux comprise de toute ma classe. Quand je relis ce passage, je
meurs de rire en imaginant mon instit à
la place de ton oncle…
Les élèves et moi
étions de nouveau pris de fou-rire. Quand tout le monde sortit, je menaçai Esmahan de dire
à toute l’école qu’elle faisait encore pipi au lit si jamais elle disait la vérité au maitre. Elle
tremblait de peur car tout le monde
allait me croire et se moquer d’elle le restant de l’année scolaire. Et la
pauvre finit par avouer au prof que c’était elle la coupable ! Puisqu’elle
était la fille de la directrice, Si Idrisi, notre maître ne l’a pas punie et tout s’est bien terminé.
Après tout...
C’est bien d’être la « copine » de la fille de la
directrice .
Tu viens donc de
lire mon deuxième souvenir et je suis sûre maintenant que tu crois ce que je
t’ai dit au début de cette lettre.
J'attends avec
impatience l’occasion pour acheter un livre qui parle de la suite de ta vie.
À très bientôt
Tlemsani Oumayma
Votre roman
« La boîte à merveilles » est à mon avis un chef d'œuvre ! Je ne
pourrais jamais vous dire combien je vous admire. En vous lisant, j'ai compris
que je n étais pas seule au monde, qu’il y avait d’autres enfants qui pensaient
comme moi, qui vivaient comme moi, qui souffraient comme nous. Cela m’a
beaucoup aidé. Je vous remercie du fond du cœur.
Il y a des événements dans notre vie qui nous marquent à jamais, des anecdotes d'école, des sourires de maman, des larmes et des pleurs, des moments inoubliables qui se sont imprimés sur notre mémoire et, qui, malgré le temps, sont toujours là qui nous font rire ou pleurer !
Il y a des événements dans notre vie qui nous marquent à jamais, des anecdotes d'école, des sourires de maman, des larmes et des pleurs, des moments inoubliables qui se sont imprimés sur notre mémoire et, qui, malgré le temps, sont toujours là qui nous font rire ou pleurer !
Je vais
partager avec vous deux souvenirs de mon enfance que je n’ai jamais oubliés.
Le premier est le suivant : J'avais une relation très proche avec mon
père (j’étais la petite chouchou de la famille). Je sortais tout le temps avec
lui, même pour aller dans son café habituel. Chaque nuit durant quelques années, je regardais la
télé dans ses bras jusqu'à ce que je
m'endorme ou que je fasse semblant d'être endormie, pour qu'il me prenne et me
ramène dans ma chambre (mes grandes sœurs regardaient la télé dans une autre
chambre). Mais, quand mon père partait travailler, j’étais la plus triste des
filles au monde. Je restais seule dans ma chambre et ne parlais à personne.
Un autre
souvenir me revient. Je n'avais que 8 ans et je n'avais pas le droit de rentrer
seule de l'école. Je devais donc attendre dans la salle de classe jusqu'à ce qu'on vienne me
chercher. Un jour, notre maitresse s'est absentée et le surveillant a ouvert la
porte pour qu'on sorte plus tôt. Je suis sortie avec les autres et je suis
restée à jouer dehors avec les camarades. Les filles étonnées de ma présence
inhabituelle, m'ont signifié que je devais m’en aller car ne savais pas jouer à
cache-cache. J'ai affirmé que si, et j'ai fermé les yeux, ai commencé à compter
et elles se sont cachées. En terminant le compte, j'ai rouvert les yeux et je
suis tombée sur mon père qui était dans une rage folle : il m’avait
cherché à l’école et ne m’avais pas trouvée. J'ai eu une avalanche d’insultes
et de critiques.
Tu le vois, moi
j’étais solitaire comme toi, j’aimais mon père comme toi, j’étais triste aussi
come toi. Non, je dirais même que j’étais plus triste que toi car je n’avais
même pas de « boîte à merveilles » comme toi.
Dieu
merci, c’est du passé. Maintenant, je suis une adolescente bien dans sa peau,
ni timide, ni outrageuse, juste une adolescente comme beaucoup d'autres .
Merci
cher… Mohammed, tu n'es pas mort! Tu vis dans nos cœurs et ta boîte à
merveilles est aussi la nôtre.
A Très Bientôt, cher ami
Amal Ghassal
A Très Bientôt, cher ami
Amal Ghassal
Cher Si Med,
J’ai lu la boîte à merveilles. Je
trouve que c’est un très beau roman. Je te dis « cher » car je pense
bien te connaitre maintenant. A chaque ligne de ton enfance que je lisais, je
découvrais un monde fabuleux où les rêves se mélangent avec la réalité pour
nous offrir de l'espoir après nous avoir fait vivre peur, tristesse,
inquiétude, pitié…
J’ai bien aimé ta pauvre enfance.
Seulement, moi, mon enfance était tout à fait différente de la tienne. J'étais
très libre et je faisais tout ce qui me plaisait. Lorsque j’avais ton âge,
j’avais beaucoup d'amis. On trouvait aussi que j'étais très indisciplinée et
cela ne me gênait pas. Au
contraire, j’en étais fière !
Je me rappelle, un
jour, j’avais cinq ans, j'étais invitée avec mes parents au mariage de mon
oncle. Il avait une ferme à la sortie de Meknès et il décida d’y organiser ces
noces. Lorsque le dîner fut servi, j’entrai au poulailler et je fis sortir les
poules, les coqs, les canetons et les oies. En criant et en tapant dans les
mains, je les poussai à se diriger vers la khzama où les invités avaient
déjà commencé à manger.
Quand ils virent venir vers eux
ces « animaux sauvages », les invités rirent au début. Mais,
dés qu’ils pensèrent à leurs jolis costumes et à leurs jolies tgchétates,
ils coururent dans tous les sens. Je n’oublierai jamais le spectacle de Hadda,
la voisine de mon oncle : Elle a jeté la cuisse de poulet qu’elle tenait
dans la main et a commencé à courir en bousculant sa petite fille au passage.
Elle portait ses talons hauts dans les mains et criait : « 3t9ou
rrou7 a 3ibade lla8 ! » (« Sauvez-moi ! »).
L7ajje, son mari aveugle, restait là en souriant car personne ne lui avait
raconté ce qui se passait. Pendant tout ce temps, Djém3a, la voisine de mes
grands parents, prit un pain, le remplit d’un demi poulet et le mit dans son
sac. Ma petite cousine Wafae, venue de France, elle, qui se croyait être la
fille la plus belle et la plus élégante du monde, prit peur et fit pipi dans
son pantalon. Mon père se mit en colère
contre moi car j’étais la seule
qui riait. Lui et tous mes oncles se mirent à caqueter et à piaffer contre moi.
Moi, je me sauvai en courant et en leur
jurant que c'était la faute de
mon autre cousine Rajae. Elle reçut une groooosse claque !
Un autre jour, la même année, j’invitai mes amis à mon anniversaire.
Lorsque les petits invités et leurs mamans étaient sur le pas de la porte de
notre maison, je me mis debout, les bras croisés et le regard dur. Je leur
dis : «Ceux qui ont des cadeaux peuvent entrer mais ceux qui n’ont pas de
cadeaux doivent retourner chez eux ! »
A ce moment, mon père me fit rentrer à la maison et me dit : « Tu
n’as plus d’anniversaire ! ». Il sortit en emportant le gâteau
d’anniversaire. Je pleurais de toutes mes forces, mais il ne changea pas
d’avis…
Cher Si Mohammed, il ya une question que j’aimerais te poser :
pourquoi détestais-tu tant Zineb ? Moi, je trouve qu’elle est gentille…
parce qu’elle me ressemble beaucoup !
Affectueusement,
Meriem Aït Bouarbi
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