mercredi 5 avril 2017

CÔTE ETUDES




Le personnage principal du roman autobiographique « La boîte à merveilles » a beaucoup touché les élèves de première, un peu moins qu’Antigone, mais beaucoup quand même. Sa solitude et son imagination ont suscité diverses  réactions : pitié, tristesse, sympathie, solidarité…  Trois élèves parmi ceux qui ont le plus aimé ce roman ont voulu, chacune à sa manière, écrire une lettre à ce personnage attachant. Toutes des filles ! L’une met en valeur dans sa lettre sa ressemblance avec Si Mohammed. Les deux autres, montrent sans prétention qu’elles sont le contraire de celui qu’elles ont pris l’habitude d’appeler « Si Mohammed le solitaire ». A vous d’apprécier ces regards croisés sur Ahmed Séfrioui enfant.
Dessins réalisés par : Ferdaous Drissi Bouzaïdi




Cher Si Mohamed,
Tu as été notre ami pendant deux mois et demi. On te voyait deux ou trois fois par semaine en essayant de comprendre ce que tu nous avais écrit dans ton roman. J'ai beaucoup aimé ton histoire et la façon avec laquelle tu la racontais. Je souriais parfois quand quelque chose de drôle t'arrivait. Mais, dans la majorité des passages, j'ai ressenti de la  pitié envers toi et de la peine quand je te voyais seul.
Ta solitude et ta timidité étaient très spéciales car moi, j’étais tout à fait ton contraire à cet âge : j'étais provocante, sociable et j'avais beaucoup d'amis partout .
 J'ai un petit souvenir que j’aimerais partager avec toi. J'avais six ou sept ans. Mon père, son copain et moi voyageâmes à Ifrane. Mon père dépassa la vitesse autorisée qui était de 60km/h un peu après El Hajeb. Malheureusement, il y avait un radar caché sous un arbre à cet endroit.  Un policier nous stoppa quelques virages plus loin. Pendant que mon père tremblant essayait de le convaincre que la faute n’était pas très grave. Moi, qui étais allongée seule sur le banc-arrière, je sautai en disant: " Euh chef ! Nous sommes en vacances… J’ai entendu dire qu’il y avait un grand lion à Ifrane. Laisse-nous passer! Fais le pour mon innocent visage de « malake ». Il répondit après quelques secondes de surprise: "Oh! C'est la petite qui parle? ... D’accord madame!!! A vos ordres ! J n’ai  plus rien à dire. Je m’excuse. Veuillez, monsieur, emmener madame chez notre lion. Bonne route. ». Puis, il dit en éclatant  de rire et en me fixant des yeux : « Embrasse le lion de  ma part ! Si tu étais à ma place, et tel que je t'ai connu, je suis sûre que tu aurais pleuré, que tu te serais caché ou que tu serais parti chercher de l’aide chez tes boutons, cadenas cassé, clou ou autre ami de ta fameuse boîte à merveilles !
Ce souvenir ne t'a pas convaincu que je suis différente de toi ? Tu trouves que je suis une grande prétentieuse ? Hein ? Ok. Alors, écoute cet autre souvenir.     J’étais en CE2 ou CE3 dans une école privée qui se trouvait près de chez nous. Un jour, en classe, la séance était très ennuyeuse : nous étions seuls pendant que notre instituteur de français faisait sa prière.  Comme toujours, je ne pouvais pas rester assise sans bouger comme le reste des élèves et faire mon exercice. Je me suis donc levée pour cacher les chaussures de mon cher maître. Quand il termina sa prière, il les chercha. Le visage déjà tout rouge de colère, il voulut savoir qui les avait prises mais tout le monde se tut. Puis, souriant, il demanda a Esmahan, son élève préférée (normal, c’était la fille de la directrice de l’école) de lui dire où elles étaient.  Elle se tut car elle avait peur. Enfin, il les découvrit dans le casier d’une table vide  au fond de la classe. En marchant pieds nus, il ressemblait à un gros Pingouin. Seule, je riais dans mon coin mais toute la classe éclata de rire quand il marcha sur une épingle jetée par hasard là… par moi. Il criait, insultait les élèves et sautillait ! Je t’avoue, cher ami, que je me suis souvenu de cet événement quand on a étudié en classe le très beau texte contenant  l’histoire de l’oncle Othman      racontée par Lalla Rahma, au chapitre V. Mon cher instituteur ressemblait à ton cher oncle chez  Salem le négre, le boucher, quand le chien s’empara de la babouche et s’enfuit suivi par  Othman  « sautant clopin clopant ». Merci, de m’avoir appris cette expression amusante. Je suis sûre d’avoir été l’élève qui l’a la mieux comprise de toute ma classe. Quand je relis ce passage, je meurs de rire en imaginant mon instit  à la place de ton oncle…
Les élèves et moi étions de nouveau pris de fou-rire. Quand tout le monde  sortit, je menaçai Esmahan  de   dire à toute l’école qu’elle faisait encore pipi au lit si  jamais elle disait la vérité au maitre. Elle tremblait de  peur car tout le monde allait me croire et se moquer d’elle le restant de l’année scolaire. Et la pauvre finit par avouer au prof que c’était elle la coupable ! Puisqu’elle était la fille de la directrice, Si Idrisi, notre maître  ne l’a pas punie et  tout s’est bien terminé.
Après tout... C’est bien d’être la  « copine » de la fille de la directrice .
Tu viens donc de lire mon deuxième souvenir et je suis sûre maintenant que tu crois ce que je t’ai dit au début de cette lettre.
J'attends avec impatience l’occasion pour acheter un livre qui parle de la suite de ta vie.

  À très bientôt 

  Tlemsani Oumayma


             
 












Cher Ahmed Séfrioui,
Votre roman « La boîte à merveilles » est à mon avis un chef d'œuvre ! Je ne pourrais jamais vous dire combien je vous admire. En vous lisant, j'ai compris que je n étais pas seule au monde, qu’il y avait d’autres enfants qui pensaient comme moi, qui vivaient comme moi, qui souffraient comme nous. Cela m’a beaucoup aidé. Je vous remercie du fond du cœur.
            Il y a des événements dans notre vie qui nous marquent à jamais, des anecdotes d'école, des sourires de maman, des larmes et des pleurs,  des moments inoubliables qui se sont imprimés sur notre mémoire et, qui, malgré le temps, sont toujours  là qui nous font rire ou pleurer !
Je vais partager avec vous deux souvenirs de mon enfance que je n’ai jamais oubliés.
Le premier est le suivant : J'avais une relation très proche avec mon père (j’étais la petite chouchou de la famille). Je sortais tout le temps avec lui, même pour aller dans son café habituel. Chaque nuit durant quelques années, je regardais la télé  dans ses bras jusqu'à ce que je m'endorme ou que je fasse semblant d'être endormie, pour qu'il me prenne et me ramène dans ma chambre (mes grandes sœurs regardaient la télé dans une autre chambre). Mais, quand mon père partait travailler, j’étais la plus triste des filles au monde. Je restais seule dans ma chambre et ne parlais à personne.
Un autre souvenir me revient. Je n'avais que 8 ans et je n'avais pas le droit de rentrer seule de l'école. Je devais donc attendre dans  la salle de classe jusqu'à ce qu'on vienne me chercher. Un jour, notre maitresse s'est absentée et le surveillant a ouvert la porte pour qu'on sorte plus tôt. Je suis sortie avec les autres et je suis restée à jouer dehors avec les camarades. Les filles étonnées de ma présence inhabituelle, m'ont signifié que je devais m’en aller car ne savais pas jouer à cache-cache. J'ai affirmé que si, et j'ai fermé les yeux, ai commencé à compter et elles se sont cachées. En terminant le compte, j'ai rouvert les yeux et je suis tombée sur mon père qui était dans une rage folle : il m’avait cherché à l’école et ne m’avais pas trouvée. J'ai eu une avalanche d’insultes et de critiques.
Tu le vois, moi j’étais solitaire comme toi, j’aimais mon père comme toi, j’étais triste aussi come toi. Non, je dirais même que j’étais plus triste que toi car je n’avais même pas de « boîte à merveilles » comme toi.  
Dieu merci, c’est du passé. Maintenant, je suis une adolescente bien dans sa peau, ni timide, ni outrageuse, juste une adolescente comme beaucoup d'autres .                    
                                                                                             

Merci cher… Mohammed, tu n'es pas mort! Tu vis dans nos cœurs et ta boîte à merveilles est aussi la nôtre.
    A Très Bientôt, cher ami  
    Amal Ghassal













Cher Si Med,

J’ai lu la boîte à merveilles. Je trouve que c’est un très beau roman. Je te dis « cher » car je pense bien te connaitre maintenant. A chaque ligne de ton enfance que je lisais, je découvrais un monde fabuleux où les rêves se mélangent avec la réalité pour nous offrir de l'espoir après nous avoir fait vivre peur, tristesse, inquiétude, pitié…

J’ai bien aimé ta pauvre enfance. Seulement, moi, mon enfance était tout à fait différente de la tienne. J'étais très libre et je faisais tout ce qui me plaisait. Lorsque j’avais ton âge, j’avais beaucoup d'amis. On trouvait aussi que j'étais très indisciplinée et cela ne me gênait pas. Au contraire, j’en étais fière !





Je  me rappelle, un jour, j’avais cinq ans, j'étais invitée avec mes parents au mariage de mon oncle. Il avait une ferme à la sortie de Meknès et il décida d’y organiser ces noces. Lorsque le dîner fut servi, j’entrai au poulailler et je fis sortir les poules, les coqs, les canetons et les oies. En criant et en tapant dans les mains, je les poussai à se diriger vers la khzama où les invités avaient déjà commencé à manger.

Quand ils virent venir vers eux ces « animaux sauvages  », les invités rirent au début. Mais, dés qu’ils pensèrent à leurs jolis costumes et à leurs jolies tgchétates, ils coururent dans tous les sens. Je n’oublierai jamais le spectacle de Hadda, la voisine de mon oncle : Elle a jeté la cuisse de poulet qu’elle tenait dans la main et a commencé à courir en bousculant sa petite fille au passage. Elle portait ses talons hauts dans les mains et criait : « 3t9ou rrou7 a 3ibade lla8 ! » («  Sauvez-moi ! »). L7ajje, son mari aveugle, restait là en souriant car personne ne lui avait raconté ce qui se passait. Pendant tout ce temps, Djém3a, la voisine de mes grands parents, prit un pain, le remplit d’un demi poulet et le mit dans son sac. Ma petite cousine Wafae, venue de France, elle, qui se croyait être la fille la plus belle et la plus élégante du monde, prit peur et fit pipi dans son pantalon. Mon père se mit en colère

contre moi car j’étais la seule qui riait. Lui et tous mes oncles se mirent à caqueter et à piaffer contre moi. Moi, je me sauvai en courant et en leur

jurant que c'était la faute de mon autre cousine Rajae. Elle reçut une groooosse claque !

Un autre jour, la même année, j’invitai mes amis à mon anniversaire. Lorsque les petits invités et leurs mamans étaient sur le pas de la porte de notre maison, je me mis debout, les bras croisés et le regard dur. Je leur dis : «Ceux qui ont des cadeaux peuvent entrer mais ceux qui n’ont pas de cadeaux doivent retourner chez eux ! »

A ce moment, mon père me fit rentrer à la maison et me dit : « Tu n’as plus d’anniversaire ! ». Il sortit en emportant le gâteau d’anniversaire. Je pleurais de toutes mes forces, mais il ne changea pas d’avis…

Cher Si Mohammed, il ya une question que j’aimerais te poser : pourquoi détestais-tu tant Zineb ? Moi, je trouve qu’elle est gentille… parce qu’elle me ressemble beaucoup !

Affectueusement, Meriem Aït Bouarbi




0 commentaires:

Enregistrer un commentaire